1290.020. Jean-Paul II en Haiti: Premier Discours

Classification Religions et Croyances

Après avoir visité, durant son 17ème voyage, les pays de l’Amérique centrale dont le Costa Rica, Nicaragua, Honduras, Panama, Salvador, Guatemala, et Belize, Le pape Jean-Paul II foula dans la journée du 9 mars 1983, les terres haïtiennes. Cette visite minutieusement préparée par les deux entités intéressées ne dura quelques heures mais son impact marqua aussi bien l’Église catholique que les non-catholiques de la société haïtienne.

L’Église catholique qui semblait se réveiller d’une longue léthargie comptait sur le support du Pape. Le gouvernement de Jean-Claude Duvalier espérait redorer un peu son blason politique en réduisant cette visite à une grande manifestation politico-religieuse. Il espérait surtout que le Pontife, dans ses adresses publiques, se concentrerait sur le maintien de la pureté doctrinale, d’autant plus qu’il avait accédé lors des préparatifs à certaines demandes du Saint-Siège en renonçant en partie à l’ingérence de l’État dans les affaires de l’Église catholique et abandonnant le droit que lui octroyait le Concordat d’approuver la nomination des évêques. Il avait été probablement encouragé par les indignations du Vatican qui critiquait sévèrement la présence de prêtres dans le gouvernement sandiniste de Nicaragua et par les remontrances publiques adressées au prêtre sandiniste, Ernesto Cardenal, lors de sa visite au Nicaragua quelques jours plus tôt.

Ce premier discours calma un peu ses appréhensions. Ce fut une toute autre histoire avec l’homélie prononcée lors de la messe en plein air près de l’Aéroport…

Texte du premier discours

Monsieur le Président,
Chers Frères dans l’épiscopat,
Chers Frères et Sœurs,

Je salue avec joie et émotion cette terre d’Haïti. Voilà bientôt cinq cents ans que la croix du Christ y a été plantée, qu’on y a célébré la première Eucharistie, récité le premier Ave Maria. Aujourd’hui enfin, le successeur de l’Apôtre Pierre vient à vous. Je sais avec quel empressement vous avez attendu et préparé ma venue. Je vous en remercie.

Je salue tout le peuple haïtien dont l’histoire s’est tissée peu à peu au milieu de conquêtes et d’épreuves qui ont forgé ses traits caractéristiques, particulièrement attachants. Je salue les dirigeants, ceux qui exercent les plus grandes responsabilités, et je leur sais gré de m’accueillir ainsi. Et je salue en même temps chaque citoyen haïtien, chaque famille haïtienne, surtout ceux qui souffrent. Je ne peux me rendre auprès de chacun, mais je veux que tous sachent qu’ils sont également présents à la pensée et au cœur du Pape.

Jean-Paul prononçant son premier à l’aéroport international de Maïs Gaté
Derrière lui se tint le couple présidentiel.

Bonjou tout pèp Ayisyen
Mwen vini wè nou.
Mwen poté la pé ak Ké Kontan Gran Mèt la pou nou (1).

Je salue avec une joie particulière l’Eglise catholique qui est en Haïti, ses évêques, ses prêtres, religieux, religieuses, ses laïcs: une Eglise jeune, une Eglise à la foi fervente, à la prière vibrante, une Eglise très liée au sort du peuple haïtien. Durant mon bref séjour, je ne pourrai pas aborder tous ses problèmes qui me tiennent à cœur. Mais je viens avant tout confirmer son œuvre dans ce qu’elle a de meilleur, et son projet d’évangélisation. J’ai entendu beaucoup de témoignages sur sa vie méritante. J’ai lu le message du Symposium de décembre dernier: je viens encourager mes frères et sœurs d’Haïti à le réaliser. L’Eglise y a pris conscience de ses possibilités, des grâces que le Seigneur lui a faites, et aussi de ses limites, des obstacles, des difficultés; elle a appelé chacun à la conversion, riche ou pauvre, pour déraciner le mal dans les personnes et dans la société; elle a réaffirmé la dignité de tous, voulu que l’Evangile soit toujours la Bonne Nouvelle pour les pauvres; elle a appelé tous ses membres à une pastorale solidaire, pour un avenir religieux et humain digne de ce peuple, dans la liberté et la responsabilité.

Dans ce contexte, je remercie de tout cœur Monsieur le Président de la République, qui vient de faire connaître au grand public la nouvelle selon laquelle il est disposé à renoncer de lui-même au privilège, dont jouit actuellement le Chef de l’état Haïtien en vertu du Concordat du 28 mars 1860, de nommer les archevêques et les évêques.

Je vous assure, Monsieur le Président, que ce désir, inspiré par les vœux du Concile Œcuménique Vatican II, ne pourra que profiter tant au développement harmonieux de l’Eglise Catholique dans ce Pays qu’à L’état Haïtien.

Je viens encourager ce réveil, ce sursaut et cette marche de l’Eglise, pour le bien de tout le pays. Nous allons le faire maintenant au cours d’une assemblée eucharistique et mariale qui clôture votre Congrès. C’est dans la prière et dans l’amour que nous puisons la lumière et la force de servir nos frères.

Que le Seigneur bénisse notre ministère sur cette chère terre d’Haïti!

Jean-Paul II

Port-au-Prince, mercredi 9 mars 1983.

  1. Bonjour à tout le peuple haïtien; je viens vous voir, et je vous apporte la paix et la joie du Seigneur.

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