Quand l’expression du déni de l’autre reflète l’auto-négation de sa propre humanité

L'Éeglise AME CharlestonIls priaient et étudiaient la Bible dans un des lieux réputés pour être le plus sûr du monde : leur temple, l’Église épiscopale méthodiste africaine Emmanuel. Assis sur un banc pendant près d’une heure, assistant à la rencontre et écoutant les prières et commentaires, un jeune homme de 21 ans qui, dans un acte sacrilège, se lança ensuite dans une tuerie, terrassant neuf membres de cette communauté religieuse, tous des noirs.

Dylan Roof, il s’appelle.

La presse le présente comme un de ces nombreux jeunes américains de race blanche aux méninges boueuses et qui se laissent facilement prendre dans les filets des suprématistes blancs. Ces derniers croient encore dans la théorie de la supériorité des individus de leur race et, dans des élans et des actes empreints de racisme et d’antisémitisme dénient l’essence pleinement humaine des autres dont les noirs, les hispaniques, les asiatiques, les arabes et les juifs. Dylan Roof prit donc cet élan le mercredi 17 juin, dans la ville de Charleston, en Caroline du Sud, aux États-Unis.

Aux États-Unis, ils sont des millions ces hommes et femmes qui s’adhèrent aux théories suprématistes. On les retrouve à tous les niveaux sociaux, à tous les échelons des pouvoirs et dans tous les champs professionnels. Ils sont tous pro-armes, en majorité de foi protestante et manifestent ouvertement une grande méfiance à l’égard des pouvoirs publics spécialement le gouvernement fédéral. Ils ne se lancent pas tous dans des actions d’éclats, des attentats ou des assassinats. Certains représentants de cette mouvance raciste sont plutôt subtils et sournois. Ils font pourtant partie de cellules bien vivantes et travaillent sérieusement pour faire avancer leur cause. Ils sont les plus dangereux.

  • Imaginez-les dans une force de police et placés dans un commissariat desservant les communautés composées des groupes qu’ils considèrent inférieurs;
  • Imaginez leur présence dans les forces multinationales de l’ONU conduisant des opérations au Mali, en Côte d’ivoire, en République Centrafricaine, en République Démocratique du Congo et, bien entendu en Haïti.
  • Imaginez-les travaillant au Département d’État ou autres ministères des affaires étrangères et basés en Haïti comme agents consulaires voire ambassadeurs plénipotentiaires.
  • Imaginez-les détenant la position d’officiers de prêt à la Banque Inter-américaine de Développement (BID) ou à la banque mondiale.
  • Imaginez-les comme consultants ou experts auprès du Conseil Électoral provisoire.

Dylan Roof, l’écervelé, voulait dans une action d’éclat « déclencher une guerre entre les races », combien de spécimens de la mouvance suprématiste, beaucoup plus doués, beaucoup plus subtils avons-nous en Haïti ? Combien, en masquant leur adhésion à cette théorie, travaillent sérieusement et sans relâche pour saper notre développement en posant des embûches sur notre routes, en nous prodiguant de conseils allant contre nos intérêts ou en nous pourvoyant de matériels ou de produits toxiques. Ils nous consument à petits feux avec, bien sûr la complicité de nos élites trop aveugles pour détecter leurs actions, ou trop poltronnes pour les dénoncer, ou pire, trop attachées à certaines miettes et petits privilèges pour dire non à leurs tentatives de recrutement de leurs membres. Par ce, elles leur donnent raison et participent aux crimes; des crimes qui devraient répugner au même niveau que les actions d’éclat et les meurtres comme celui commis par Dylan Roof.

En fait, dans l’imaginaire de la majorité, les actions d’éclat des uns et celles beaucoup plus subtiles des autres ont bien l’effet contraire. En voulant nier l’essence pleinement humaine de la majorité de la population du monde, ils nient eux-mêmes leur propre humanité, parce que, en fin de compte, le racisme est l’auto-négation ontologique de ceux et celles qui y croient, pratiquent et tuent en son nom.

J.A.